GONIN Godefroy Francis Victor

 

Gonin Godefroy, Francis, Victor, est né à Fougères (I. et V.) le 28 novembre 1887.

 

Il débute comme mousse, puis novice le 9 janvier 1904, mousse sur le 3-mâts Antillais CERES et novice sur le 3-mâts LES ADELPHES à bord duquel il accomplit du 3 octobre l904 au 2 janvier 1907 un voyage de circumnavigation.

 

Reçu en même temps à St Malo, le 4 mars 1908 Capitaine au Long Cours, Théorie et Elève de la Marine Marchande, notre ami fait son service militaire sur le BRENNUS du 4 novembre 1908 à octobre 1909.

 

Après le service, il embarque comme 2° lieutenant sur le 4-mâts barque MARTHE à bord duquel, du 2 février 1910 au 23 mars 1912, il fait 3 voyages du Chili par le Cap Horn.

 

Reçu C.L.C. le 19 décembre 1912, Gonin rentre chez Worms où il navigue comme premier lieutenant, puis second capitaine sur SUZANNE ET MARIE et HYPOLITE WORMS.

 

Après diverses activités, entre autres celles d’infirmier volontaire à l’hôpital de Rennes, la 1ere année de la guerre de 1914-1918, notre camarade rentre à la Transat. Muni d’une compensation d’Enseigne de Vaisseau  auxiliaire, il est chargé du tir sur le CARAÎBE. Au cours d’une attaque, en mer Egée, il réussit à mettre en fuite les 2 sous-marins qui attaquent le convoi et ont déjà coulé un s/s anglais. La Cie Transat lui adresse comme récompense, avec des félicitations, un mandat de 250 francs ! !!

 

Notre ami Gonin a navigué comme lieutenant, second capitaine et capitaine sur un grand nombre de navires de la Transat jusqu’au 31 octobre 1940. Après la Libération, il reprend du service comme subrécargue, toujours au compte de la Cie Générale Transatlantique depuis le mois de juillet 1947 jusqu’à la fin 1949.

 

Gonin au cours de ses voyages a connu des aventures qui méritent d’être comptées. Faute de place, nous en retenons 2 que nous sommes malheureusement obligés de résumer :

 

Au cours de la traversée du 3-mâts LES ADELPHES, de Newcastle (N. S. W.) à Mazathan (Mexique), le grand mât de hune dont la caisse était pourrie, se mit à jouer donnant des chocs de plus en plus violents. Malgré le danger, 2 matelots montèrent pour serrer rapidement les voiles, et avant d’être dans le beau temps, il fut décidé de consolider la foutue avarie en jumelant des madriers autour du mât. Dès que le temps rendit l’opération possible, le grand mât fut dégréé complètement. Le charpentier, excellent ouvrier, un nommé Gicquel de Binic, fabriqua dans un temps record, un nouveau mât de hune dans une des drômes. Après 3 semaines de travail le grand mât était remis à neuf et la suite du voyage jusqu’à Mazathan  s’effectua sans incidents.

De Mazathan, LES ADELPHES fut expédié pour Costa Rica après avoir été lesté. Avant son départ, le chargement de bois qu’il devait prendre, fut une véritable expédition : D’abord en arrivant à Punta Arenas (Chili), après une traversée retardée par l’état de la coque, le Capitaine décida de la nettoyer. Le navire fut échoué parallèlement à la plage, amarré à des cocotiers, le lest amarré. La bonne peinture fut réservée pour l’exposant de charge, et le reste fut peint avec une peinture de fortune faite de blanc de céruse et suif. Des hommes (Indiens) avaient été embarqués pour aider au chargement. Ils étaient armés d’un grand sabre, d’une espèce de lasso, et d’une carabine pour se défendre des jaguars et des pumas et se procurer de l’alimentation carnée. Malheureusement peu à peu tous désertèrent sauf deux. Les Indiens bûcherons allumèrent un feu pour indiquer où était le dépôt de bois. Toutes les embarcations furent mises à l’eau pour remorquer des trains de bois qu’il fallait faire avec des billes de bois de cèdre ou d’acajou de 8 à 10 mètres de long et de 60 à 80 cm de côté. La mer était parfois assez agitée et infestée de requins.

 

Après avoir terminé dans cette baie de Bahia Blanca dans laquelle il fallut au fur et à mesure qu’on s’enfonçait à l’intérieur, se déhaler à coups d’ancre à flot, on continua le chargement dans la Bahia Caletera, infestée de flatures, serpents venimeux. Après 2 mois d’un travail pénible, le navire n’était pas encore à mi-charge. L’eau et les vivres diminuaient. Le capitaine se fit guider pour aller au village le plus proche à la recherche de nourriture : 4 jours de cheval étaient nécessaires pour s’y rendre. Pour trouver de l’eau, un puits fut creusé. Tous les dimanches, les embarcations remplies de barriques allaient à la corvée d’eau. Un certain dimanche, les matelots trouvèrent un puma noyé dans le puits ! Il fût estimé qu’il y était depuis peu et l’eau continua à être utilisée !!!

 

Le travail exténuant et la mauvaise nourriture débilitèrent les moins robustes. Notre ami Gonin, très affaibli et désespéré de revoir la France écrivit ses derniers adieux à sa famille. Cette lettre confiée à un Indien, heureusement, n’arriva jamais !

 

Après bien des vicissitudes, le chargement fut terminé en juin, après 5 mois de cabotage à la recherche du bois. Pour terminer cependant que nous comptions mettre 3 à 4 jours pour faire les 150 milles qui nous séparaient de Punta Arénas, la traversée dura 27 jours !!! On faillit mourir de faim !!!